Allemand de nationalité, André Lotterer a grandi en Belgique, près du circuit de Spa-Francorchamps. La Belgique tient une place à part dans son coeur, même si ce sont bien les couleurs de l'Allemagne qu'il porte en course. Dans son ADN, le pilote a aussi des gênes péruviens. Sa vie fut longtemps articulée autour du Japon, pays dans lequel il a conquis deux titres en Super GT (2006 et 2009) et un en monoplace Super Formula (2011). Un citoyen du monde qui a posé ses bagages en France, dans le Sud (dans le sublime petit village de Gordes). Il a fait des 24 Heures du Mans sa course, en s'y imposant à trois reprises. Le Mans a fait de lui un de ses princes héritiers.
Aujourd'hui engagé en Formula E - le championnat de monoplaces électriques - le pilote est lié à l'endurance grâce à un palmarès parmi les plus complets construit en 10 ans.
En 2009, Audi tombe face à Peugeot. Avec une R15 très novatrice, mais au potentiel sous-exploité par manque de temps, la firme allemande doit s'incliner. Derrière les voitures "usine", Audi a passé un deal avec Colin Kolles. L'allemand engage deux R10 TDI à titre privé, histoire d'assurer les arrières des R15. Sur l'une d'elles, André Lotterer est présent. C’est le 8 juin 2009, lors des Vérifications administratives et techniques, que son nom apparait sur la liste des engagés. Voici ce qu'il me confiait pour le site officiel des 24 Heures du Mans, interrogé en juin 2019 : « Il y avait une opportunité de faire Le Mans avec l’équipe Team Kolles, qui engageait deux Audi R10. A l’époque, Benoît Tréluyer et Loïc Duval (dont il est très proche) me parlaient souvent des 24 Heures du Mans. Ils me disaient que je devrais participer. Alors j’ai saisi cette chance, avec un petit budget, j’ai même mis de ma poche pour être au départ ».
Lors de cette édition, André Lotterer brille. Charles Zwolsman est alors son seul équipier, Narayn Karthikeyan se blessant avant le départ. 2009 est la course qui lance la carrière en endurance d'André Lotterer .
En 2010, il accède à l'équipe Audi Sport officielle. Sa performance de 2009 a séduit, et il est associé à Benoit Tréluyer et Marcel Fassler. Pilote du Petronas Team Tom's en Formula Nippon, et du Lexus Team Tom's en Super GT, André Lotterer se hisse à la deuxième place des 24 Heures du Mans. Cette année là, Audi réalise un triplé, et s'empare du record de la distance. L'équipage qu'il compose avec le Français et le Suisse ne le sait pas encore, mais les trois hommes vont devenir les nouveaux "meneurs" chez Audi dès 2011.
Discrets, travailleurs, moins sollicités que les têtes d'affiche que sont alors Allan McNish, Tom Kristensen ou Rinaldo Capello, les trois amis sentent que leur destin est lié.
Alors que l'intensité de la lutte avec Peugeot atteint un nouveau sommet en 2011 (après la lutte de 2008 absolument sublime), André Lotterer accède déjà à la victoire. En trois ans, il est passé de pilote sur une Audi privée (en finançant une partie de l'engagement), à pilote sur une Audi officielle et vainqueur. L'édition 2011 permet d'écrire les premières lignes de sa légende : Benoît Tréluyer réalise un relai au petit matin en étant à la lutte avec la Peugeot de pointe. Marcel Fassler enchaine avec une régularité déconcertante les boucles, preuve d'une maitrise totale. André Lotterer est là pour claquer les temps, tout en devant gérer sur la fin un quadruple relais pneumatiques et une crevaison lente. "Quand André est dans la voiture, on sait que tout va bien se passer. Il n'y aura pas d'erreur, et ça va aller vite. C'est une machine". Cette phrase, prononcée par Benoît Tréluyer, résume la confiance portée en "Dédé", le petit frère de la bande.
Lisez pour en savoir plus notre sujet dédié : Audi R18 2011 : celle qui faisait danser les Peugeot 908.
Né en 1981 à Duisburg, André Lotterer a au volant une concentration et une application à prendre en modèle. En dehors du cockpit, il affine sa préparation, se concentre sur ses objectifs. Il aime aussi regarder les statistiques et l'histoire de la course. Il est un vrai connaisseur, collectionnant certaines voitures classiques (dont une Audi Quattro que l'on a très envie de voir en vrai - s'il te plaît André - et une Porsche) et appréciant les légendes qui ont construit le sport. L'édition 2011 le couronne vainqueur, avec un succès qui entre tout de suite dans les annales de la course. En gagnant Le Mans 2011, il est instantanément hissé au rang de héros, ayant fait tomber Peugeot avec la manière.
En 2012, le succès est à nouveau au rendez-vous. Il en sera de même en 2014. Chacune de ces éditions mérite un sujet dédié. En 2012, pour les débuts de l'hybride au Mans, le trio qu'il forme - encore - avec Tréluyer et Fassler est intouchable. Face aux Audi R18 Ultra sans hybridation, et à la voiture soeur chahutée, la R18 n°1 flotte au-dessus du circuit. En 2014, dans une édition dingue et promise à Toyota, le succès Audi est un nouveau rappel de la suprématie de la marque. Les trois pilotes s'imposent après une course presque anonyme, qu'ils ont même longtemps cru perdue.
Après l'arrêt du programme Audi fin 2016, André Lotterer avait le choix. Comme un spécialiste au sommet de son art qui cherche un employeur, le pilote a été démarché par Toyota et par Porsche. En 2017, c'est avec le constructeur allemand qu'il a tenté de s'imposer une quatrième fois. Sans succès. La victoire semblait acquise après les déboires du clan Toyota. Cette défaite, elle est sans doute encore inscrite dans le coeur d'André Lotterer, tant une victoire avec la 919 Hybrid aurait été forte. Personnellement. Mais aussi symboliquement. Gagner avec Audi et Porsche (comme Timo Bernhard ou Romain Dumas), aurait été un nouvel accomplissement.
Il n'en reste pas moins qu'avec trois victoires réparties sur quatre éditions et 10 années de participations, André Lotterer a marqué la Sarthe de son empreinte. Maintenant en Formula E, et éloigné de l'endurance, il y reviendra on l'espère si Porsche considère le règlement LMDh ou l'Hypercar. Un retour obligatoire car le bosse de l'endurance, c'est lui.