Chez Porsche, Il est fréquent de retrouver pour les modèles engagés en compétition un nom(bre) composé de trois chiffres. De la vénérable Porsche 917, première à décrocher la victoire pour la marque aux 24 Heures du Mans en 1970, en passant par la Porsche 919 Hybrid (sacrée en 2015, 2016 et 2017), une certaine logique apparaît. Nul besoin également de citer les très nombreuses 911, qui au fil des générations se sont succédé sur les circuits du monde entier en endurance. Mais il existe pourtant au sein de cette nomenclature en apparence bien rangée quelques exceptions. C'est le cas de la 934/5.
Porsche 934/5, la 930 la plus surprenante
Pour comprendre comment la marque de Weissach en est arrivée à nommer un modèle de course de cette façon, il faut se plonger dans l'histoire de l'endurance. Après une année 1972 riche de victoires de l'autre côté de l'Atlantique, dans le championnat Can-Am, Porsche est à la recherche d'un nouveau défi. Le constructeur a été "chassé" de la compétition, assommant tous les concurrents. Il est alors décidé de partir sur un programme GT, en utilisant la 911 de production comme base. Aux manettes, le Dr Ernst Fuhrmann constitue une équipe qui modifie largement la Porsche 911 Carrera RS, pour donner naissance à la RSR. La voiture se montre d'emblée rapide et un exemplaire s'impose aux 24 Heures de Daytona en mars 1973. Succès répété également à la Targa Florio. Porsche devient le premier constructeur à remporter le championnat d'Europe GT.
L'ultime aboutissement de cette lignée peut être trouvé avec la 911 Carrera Turbo, dont un exemplaire est engagé en 1975 aux 24 Heures du Mans et termine deuxième. Pour l'année 1976, la réglementation change. La Fédération Internationale de l'Automobile initie trois grandes catégories :
- Le Groupe 3, pour les voitures issues de la production ;
- Le Groupe 4, destiné aux voitures dont la production est plus limitée (400 exemplaires au moins) ;
- Le Groupe 5, pensé lui pour les voitures qui subissent des modifications importantes.
Chez Porsche, on ne sait pas choisir. Alors, la marque développe à la fois la 934 (pour le Groupe 4) et la 935 (pour le Groupe 5). Vous noterez au passage que le nom s'explique car la voiture qui sert de base est la Porsche 911 de génération 930. Porsche se contente simplement de changer le "0" en "4" ou "5" selon la catégorie dans laquelle la voiture est engagée. Malin.
Les Porsche 935 sont engagés officiellement par l'usine, notamment avec les couleurs devenues mythiques de Martini. Les 934, elles, sont proposées des équipes clientes comme Kremer, Loos ou encore Max Moritz.
Porsche 934/5, la mal-aimée maintenant surcotée ?
Aux États-Unis, l'IMSA ne veut pas entendre parler de la 934. Les officiels ont peur que Porsche domine encore le championnat, comme cela a été le cas par le passé avec la 917/30 (lire à ce sujet notre article "Porsche Sunoco : l’histoire de la 917/30"). C'est dans la série plus confidentielle organisée par la SCCA, le Trans Am, que la Porsche roule. Elle y décroche de nombreux succès. En IMSA, la présence de Porsche est assurée par des modèles qui ne disposent pas de turbo. Mais des Chevrolet Monza ou les BMW CSL sont plus rapides.
En 1977, l'IMSA ne peut pas rester sourd à l'appel de Porsche et autorise finalement la marque à revenir. Les efforts de lobbying de la marque allemande ont payé. Mais entre-temps, Porsche a fait évoluer sa 934. Il s'agit désormais d'une voiture hybride, un croisement entre la 934 et la 935. D'où son nom : 934/5, aussi parfois appelée 934 1/2. La 934/5 est la véritable réponse de Porsche aux doutes de l'IMSA, qui ne voulait pas autoriser les 935 à courir... mais voulait bien s'ouvrir à la 930 version Groupe 4 (la 934).
La 934/5 est donc à voir comme une Porsche 935 adaptée à l'IMSA, et notamment aux demandes de John Bishop, alors aux commandes.
Le design de la Porsche 934/5 évoque bien la 934, mais il tend aussi directement sur la 935. Dans le détail, oui, la Porsche 934 est la base de la conception. Il s'agit bien d'elle sous la robe, une voiture donneuse. Mais elle se voit modifiée fortement, recevant notamment l'aileron arrière, les panneaux de carrosserie élargis et les grandes ailes de la 935. On retrouve aussi sous le capot une injection mécanique Bosch au lieu du système K. Un mélange entre 934 et 935 qui donne une voiture au look de prototype.
10 exemplaires sont assemblés en 1977. 9307700951, 9307700952, 9307700953, 9307700954, 9307700955, 9307700956, 9307700957, 9307700958, 9307700959, 9307700960.
Un seul a trouvé le chemin de l'Europe, le châssis numéro 0956. La carrière des 934/5 en endurance fut limitée. En effet, à la fin de la saison IMSA 1977, les règles changeaient à nouveau et il était alors décidé d'autoriser les 935 à courir en 1978... C'est ainsi que les propriétaires de 934½ voyaient leurs voitures devenir instantanément obsolètes. Plusieurs d'entre eux ont entamé une "mise à niveau" coûteuse de leur 934/5 aux spécifications 935 : nouvel ensemble carrosserie, nouveau moteur, nouvelles roues. Les 934/5 modifiées ont été engagées comme des 935.
Le succès - certes éphémère - de la 934/5 a donnée des idées à des équipes européennes. C'est ainsi que les frères Kremer, à qui l'on doit de nombreux objets non conventionnels comme la Porsche K8 Spyder, ont décidé de modifier de leur côté des Porsche 911 type 930, afin de créer leur propre version de la 934/5. En France, les frères Alméras eux aussi ont misé sur une 934/5 maison, notamment pour s'engager dans des compétitions de course de côtes.
Aujourd'hui, les Porsche 934/5 en circulation sont rares. Méconnues, peu utilisées en course, elles s'échangeait par le passé pour moins de 50 000 €. Mais la rareté de ces voitures amène désormais leurs propriétaires à les conserver. Rares sont les ventes. La Porsche 934/5 IMSA/Trans-Am 930 770 0957 a été vendue en 2012 pour 550 000 $. Le châssis 930 770 0956 a lui été vendu en 2017 pour 1 375 000 $, avant de trouver un nouvel acheteur en 2019 cette fois pour 1 187 500 $.