Porsche a marqué la 86e édition des 24 Heures du Mans en remportant à la fois la catégorie LMGTE Pro et la catégorie LMGTE Am. Mieux, la marque allemande signe un doublé dans la catégorie « Pro », précisément la plus disputée, avec Aston Martin, BMW, Chevrolet, Ferrari et Ford officiellement impliqués.
La victoire fut décrochée par la Porsche 911 RSR n°92 et sa livrée distinctive rose. Une décoration qui est un hommage direct à la Porsche 917/20 engagée aux 24 Heures du Mans 1971.
Au début des années 70, Porsche commence sa mainmise sur les 24 Heures du Mans et expérimente énormément. C’est ainsi qu’apparaissent des variantes de la célèbre 917. On découvre par exemple les 917K, à queue courte, qui possèdent une partie arrière réduite. Elles sont à l’aise avec les hautes vitesses et stables, dotées de forts appuis. Porsche lance aussi les 917LH, à longue queue, qui sont imbattables en vitesse de pointe grâce à une ligne travaillée, mais qui s‘avèrent moins faciles à emmener dans les grandes courbes, par manque d’appuis.
C’est alors que les ingénieurs allemands tentent un projet inédit : associer les forces des 917K et 917LH pur donner naissance à une Porsche 917 « ultime », taillée pour Le Mans. Apparaît ainsi la 917/20. Sa conception est menée de front avec le bureau d’études français SERA (Société d’Études et de Réalisations Automobiles).
La voiture est un compromis, une alliance de ce qui fait la force des deux modèles « classiques » de la 917. On retrouve ainsi un nez court, assez bas et plat, des arches de roues arrondies, et une largeur augmentée de 12 cm.
3,96 m de long, 2,216 m de large et une hauteur de 92,6 cm, autant de mensurations qui empêchent la 917/20 d’être transportée par les camions Porsche de l’époque. L’auto possède une allure bien à elle, trapue, ronde. Mais elle ne devient le « Cochon Rose » qu’avec l’aide du designer de Porsche Anatole Lapine, qui décide de la peindre en rose, et de faire apparaître sur la carrosserie les différentes parties d’un cochon. Une idée qui survient lors de la journée d’essais préliminaires. Les observateurs comparent la voiture, alors blanche, à un cochon. L’idée vient aux Allemands de profiter de cet aspect rondouillard de la bête.
La voiture est alors vite surnommée « Pink Pig », c’est-à-dire « Cochon Rose » en français, mais aussi « Grosse Berta » ou « Chasseuse de Truffes » (Trüffeljäger / Truffle Hunter). Les Allemands aimaient l’appeler simplement Sau, ce qui signifie truie.
Engagée par l’équipe Porsche Martini Racing, la voiture ne fait aucune mention du sponsor principal (Martini), les responsables de la marque ne voulant pas être associés à une voiture peinte en cochon… devenue pourtant aujourd’hui mythique !
En remportant les 24 Heures du Mans 2018, la Porsche 911 RSR qui reprend la livrée « Cochon Rose » montre que l’on peut lier sport de haut-niveau, exigence marketing et histoire. De l’art ? Oui, de l’art brutal, spontané, créé en quelques semaines en 1971, mais devenu iconique. De l'art aussi de la part des pilotes, d'avoir tenu cette 911 RSR réputée vive et difficile à manier, pendant 24 heures. Kévin Estre, Laurens Vanthoor et Michael Christensen remportent leur catégorie et ajoutent à leurs palmarès respectifs une ligne significative.
La course de la n°92 fut une promenade, une course propre, presque clinique. En profitant de la première sortie des voitures de sécurité, la 911 RSR s'est glissée derrière le premier safety-car, gagnant alors environ 1'40 sur le reste de la meute en LMGTE Pro. Cette belle avance ne sera jamais comblée. Dommage diront certains de voir la course jouée aussi tôt, mais rien ne laissait penser que les 22 heures de course à tenir allaient de dérouler sans anicroche.
La 911 RSR « Cochon Rose » a vaincu là où le prototype 917/20 avait dû abandonner en 1971, sur sortie de piste. Une nouvelle page de l’histoire de l’endurance vient de s’écrire ce week-end. Merci Por(c)he.
Crédit photo : Porsche