En 1991, le monde de l’endurance traverse une période complexe, une transition qui annonce une crise inévitable. Les courses d’endurance n’existent plus vraiment, les épreuves d’une distance de 430 km se sont généralisées dans le cadre du Championnat du Monde, et Le Mans reste comme le monument indéboulonnable, le repère, l'exception. Côté réglementation, 1991 marque la dernière année de cohabitation entre moteurs atmosphériques et turbocompressés, ces derniers étant appelés à disparaître pour 1992. Des ajustements réglementaires se multiplient, Mazda en profitera, notamment, pour signer une victoire historique, avec un moteur interdit dès le lendemain des 24 Heures du Mans.
C’est dans ce contexte que Peugeot débarque en endurance, et décide de venir se frotter à Mercedes ou à Jaguar. Cette arrivée se fait avec la Peugeot 905, dont les premiers tours de roues ont eu lieu au mois de septembre 1990. C’est en effet à l’occasion de la course disputée sur le circuit Gilles Villeneuve de Montréal que la 905 est aperçue pour la première fois. Lors de l’ultime course de la saison 1990 au Mexique, avec Keke Rosberg, et Jean-Pierre Jabouille au volant, elle est de nouveau là, pour engranger les kilomètres. La Peugeot 905 n’est pas au niveau des voitures de pointe que sont les Mercedes C11, Nissan R90 C ou Jaguar XJR-11, mais les techniciens de la marque au lion accumulent des données précieuses pour débuter 1991.
Avant les 24 heures du Mans, c’est à Suzuka puis à Monza et enfin à Silverstone que le rendez-vous est pris pour voir les évolutions apportées durant l’hiver 90/91 à la Peugeot 905 "Evo". Au Japon, l’euphorie est réelle dans le clan français. Deux Peugeot 905 sont aux commandes de l’épreuve alors que les voitures équipées de moteurs atmosphériques concurrentes subissent des déconvenues. Un problème d’embrayage sur la Peugeot 905 n°6 mettra fin à cette démonstration. La voiture sœur, frappée du n°5, s'impose avec Philippe Alliot et Mauro Baldi au volant.
A Monza, les choses se compliquent. Problèmes dans les stands notamment pour Yannick Dalmas, qui emporte deux mécaniciens lors d’un arrêt, ou encore soucis à la relance pour Mauro Baldi sur l’autre voiture. Les Peugeot 905 ne parviennent pas à tenir le rythme des Jaguar, tandis que la fiabilité des Mercedes semble revenue.
A Silverstone, une Peugeot 905 connaît les problèmes moteur, tandis que la voiture survivante doit composer avec un des problèmes de direction assistée. Après le succès de Suzuka, Peugeot est nettement en retrait face à une concurrence redevenue bien plus féroce. Le Mans ? Une course pour apprendre, mais dont il ne faut pas espérer grand chose.
Pour les 24 Heures du Mans, la fébrilité est réelle du côté français. Jean Todt, a la tête du projet 905 chez Peugeot, sait avant le départ de la course est perdue. En effet, malgré le succès de Suzuka, les difficultés s’accumulent depuis plusieurs semaines. Et les moteurs et les boîtes de vitesses cassent en série, et il n’est pas possible de mener une séance d’essais de trois heures sans problème. Voilà pourquoi lors des vérifications techniques, Peugeot amène deux châssis en réserve en plus des deux châssis engagés. Prudence, apprentissage.
La voiture avoisine les 800 kg sur la balance, et reçoit des modifications techniques par rapport à une course classique de championnat. Ainsi, le remplissage de l’huile, de l’eau ou encore du liquide de frein est plus facilement accessible, du fait du nombre de ravitaillements plus important envisagé en comparaison d'un "sprint" de 430 km.
De nombreuses modifications sont apportées au moteur V10 spécialement pour les 24 Heures du Mans. On peut notamment citer la réduction du régime d’utilisation moteur, plafonnée à un maximum de 11 000 tr/m. L’admission aussi a été modifiée, tout comme un travail sur les ressorts de soupape, le tout pour limiter les phénomènes de vibration.
Au départ, les Peugeot 905 font illusion, placées en avant de la grille car elles utilisent un moteur atmosphérique. La première heure et une heure de parade avec la n°6 devant la n°5, et deux voitures françaises en tête… une situation inédite depuis 1978 !
Le premier ravitaillement a toutefois apporté son lot de problèmes. La Peugeot 905 n°5 connaît un début d’incendie tandis que la voiture sœur n°6 doit faire face à un souci d’allumage. Les soucis vont même se prolonger, avec un une intervention sur tout le faisceau électrique qui est remis à neuf. Peugeot est contraint à une course anonyme, dans le peloton.
En début de soirée, la situation est complexe chez Peugeot. Yannick Dalmas s’offre le record du tour sur la 905 n°6, tandis que la n°5 casse son moteur et doit abandonner à Indianapolis.
La n°6 va finalement connaître le même sort avec un abandon en piste. Celui-ci intervient à 21h46. Alors qu’un changement de pignon de boîte de vitesses avait été opéré vers 21h00, et qu’un problème sur l’échappement gauche avait été résolu, Keke Rosberg a repris la piste sans ménager sa monture et se retrouve immobilisé avec la boîte de vitesse bloquée. Jean Todt se déplace pour aller conseiller son pilote et l’aider à repartir, mais en vain. Fin de l’aventure Peugeot au Mans 1991.
Crédit photo : Jerry Lewis-Evans et Martin Lee