Endurance Magazine > Histoire > D’où vient la marque Vanwall, engagée aux 24 Heures du Mans 2023 ?

D’où vient la marque Vanwall, engagée aux 24 Heures du Mans 2023 ?


Elle ne vous disait peut-être rien il y a six mois à peine. Avant d’être une appellation utilisée par ByKolles Racing pour disputer le Championnat du Monde d'Endurance (WEC), Vanwall était une marque associée à une grande histoire. Celle d’un passionné, qui aida la compétition automobile à se développer au Royaume-Uni.  Celle d’un homme, Tony Vandervell, qui prête désormais son nom au prototype Hypercar utilisé par l’équipe autrichienne. 

De Ferrari à Vanwall en passant par Rolls Royce

Comme souvent, l’aventure commence à l’adolescence. Tony Vandervell, né en 1898 et fils d’un riche industriel Britannique, est intéressé par l’automobile et les courses. Tony possède sa propre entreprise, spécialisée dans la fabrication de roulements en régule (appelé le "faux bronze" ou "le bronze du pauvre", fait d’un alliage de plomb, d’antimoine et parfois d’étain). Après la Seconde Guerre mondiale, il assouvit aussi sa passion ; rouler. Tony achète ainsi des Ferrari, qu’il rebaptise Thinwall Special, du nom des roulements qu’il produit. Les Ferrari lui servent de support de promotion. Ces modèles - toujours vêtus d’un vert caractéristique - ont plusieurs utilités : promouvoir la qualité de la production de Vandervell, mais aussi, faire des essais pour British Racing Motors, ou B.R.M.

Bien qu’il était l’un des premiers investisseurs derrière le projet B.R.M, Tony Vandervell n’appréciait guère la gestion de l’équipe par Raymond Mays. Ainsi, après 1951, il décida de poursuivre son aventure tout seul. Tony se donnait toujours les moyens de réussir. Il poursuivit la mise au point de ses Thinwall Special, mais avait déjà une petite idée en tête. Créer sa propre voiture pour concourir en Formule 1, dont le premier championnat du monde était organisé en 1950.

Suivez l'endurance avec les experts Endurance Magazine

 Pour cela, deux éléments sont essentiels, à savoir le moteur et le châssis. À l’Ouest de Londres se tisse, petit à petit, une grande épopée.  Afin de fabriquer un moteur de 2,0 litres, il se tourne vers ses plus proches collaborateurs : Norton, la mythique marque de motos, et Rolls Royce, l’un de ses plus fidèles clients dans le monde automobile. Quant au châssis, il en délègue la construction à Cooper, une firme reconnue pour la qualité de ses constructions. Lentement, le projet prend forme.

Finalement, le moteur est le résultat d’un drôle de mélange Norton-Rolls Royce ; un quatre cylindres en ligne relativement classique, logé dans une coque signée Owen Maddock de chez Cooper, l’un des grands ingénieurs de son temps.  Cet assemblage peut paraître hâtif mais au moins, il est totalement Britannique.  Justement, c’est lors du Grand Prix de Grande Bretagne 1954 que la Vanwall Special fait son apparition. Le nom Vanwall n’est autre qu’une contraction de « Vandervell » et « Thinwall », nom donné à ses précédentes automobiles de course.

Dream Team

Qualifié 11e, Peter Collins est contraint à l’abandon pendant la course. En 1955, même combat ; la voiture n’est pas très performante malgré l’ajout de Mike Hawthorn à l’équipe, vainqueur des 24 Heures du Mans la même année dans des conditions particulières. Pour 1956, Tony Vandervell sort le grand jeu avec un recrutement de luxe.

Pour le moteur, qui d’autre qu’Harry Weslake, sorcier de la mécanique et acteur majeur, entre autres, des victoires Bentley au Mans dans les années 1920. Pour le châssis, Frank Costin d’une part, et Colin Chapman de l’autre.  Oui, Colin Chapman, génie derrière la dynastie Lotus en Formule 1.  Mais avant de rayonner au plus haut niveau, l’Anglais a été dépêché par Vanwall pour mettre au point – et même piloter – la toute nouvelle VW2.

Cette saison 1956 marque un tournant. De grands pilotes comme Maurice Trintignant et José Froilán González prêtent main forte, sans oublier Colin Chapman. À Reims, il prend part aux essais mais percute son coéquipier Mike Hawthorn ; ce sont là ses seuls tours de roue en Formule 1. Le potentiel est là, et les premiers résultats encourageants tombent. Un certain Stirling Moss approuve la machine le temps d’une course, et coup de théâtre, rejoint les rangs de la formation pour la saison 1957. C’est le déclic. La nouvelle Vanwall VW5 est très performante, si bien que le grand Moss et Tony Brooks l’imposent à Aintree, devant leur public.  C’est la première victoire d’une voiture britannique en Formule 1, bien avant les Lotus, B.R.M, McLaren et Williams.  Stirling Moss écœure les Italiens chez eux, avec deux nouvelles victoires en fin de saison à Pescara et à Monza.

La Vanwall VW5 en préparation sur le circuit d'Aintree, juste avant sa victoire lors du Grand prix de G-B 1957. En route pour l'histoire. Terry Whalebone
La Vanwall VW5 en préparation sur le circuit d'Aintree, juste avant sa victoire lors du Grand prix de G-B 1957. En route pour l'histoire. Terry Whalebone

Les ambitions sont légitimes pour 1958. L’équipe est la même qu’en ‘57 ; le trio so british composé par Stirling Moss, Tony Brooks et Stuart Lewis-Evans est prêt à faire parler la poudre. C’est aussi la création du championnat constructeurs, ce qui fait donc, avec le titre pilote, deux objectifs majeurs dans le viseur de Tony Vandervell. Stirling Moss est en feu mais trop irrégulier, ce qui permet à Mike Hawthorn, sur Ferrari, de rester en vie dans la course au titre. Tony Brooks est lui aussi très rapide.

Stirling Moss en 1958, déjà l'un des plus grands pilotes de tous les temps. SAS Scandinavian Airlines
Stirling Moss en 1958, déjà l'un des plus grands pilotes de tous les temps. SAS Scandinavian Airlines
L'équipe Vanwall en 1957. Loades PLC

Tout se joue à la dernière manche. Le Grand Prix du Maroc est le théâtre d’une explication historique entre Vanwall et Hawthorn. Moss a besoin de gagner avec le meilleur tour en course (qui rapportait déjà un point supplémentaire), mais aussi que Mike Hawthorn ne fasse pas mieux que troisième. À Casablanca, l’atmosphère est irrespirable. Stirling Moss prend son envol, et il est suivi par les deux autres Vanwall qui tentent tant bien que mal de retenir Hawthorn quatrième. Mais le destin n’est pas de leur côté. Les deux voitures vertes sont en proie à de lourds problèmes mécaniques ; et si cela contraint simplement Tony Brooks à l’abandon, la situation est plus grave pour le pauvre Stuart Lewis-Evans.

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter Endurance Magazine

Son engin a serré, le propulsant à haute vitesse dans les barrières du circuit d’Ain-Diab. Gravement brûlé, il est rapatrié en Angleterre mais décède six jours plus tard. Hawthorn est champion, Moss deuxième pour la quatrième fois en quatre ans, mais surtout, Vanwall est le premier constructeur champion du monde avec six victoires.

Fin d’une ère

Cela ressemble au début d’une longue et riche histoire mais il n’en est rien. Tony Vandervell n’arrive pas à faire le deuil de son pilote, sans compter ses problèmes de santé qui ne font que s’aggraver. À la surprise générale, il annonce son retrait en janvier 1959. Sans motivation – et sans Moss, l’équipe s’effondre autour de Tony Brooks. Seulement quelques apparitions plus tard et l’épopée se termine. Après 1961, plus aucune voiture frappée du nom de Vanwall ne se fit remarquer sur les circuits… jusqu’en 2023 !

Des renaissances avaient déjà été envisagées, mais aucune de l’ampleur de celle portée par ByKolles. On parlait, dans les années 1990, d’un possible retour en Formule 1 avec Nigel Mansell sponsorisé par Coca-Cola, rien que ça ! Bien sûr, jamais telle idée ne vit le jour. En revanche, Colin Kolles, bien connu des fans d’endurance pour ses multiples projets depuis 2000, se montre intéressé et reprit la licence en 2020.

La nouvelle Hypercar made in ByKolles utilise le nom « Vanwall » même si elle n’a rien à voir avec l’entreprise originale. La Vandervell 680 est un prototype à moteur Gibson qui aurait même droit à sa version routière dans le futur ! C’est difficile à croire, mais Vanwall, constructeur oublié des années 1950, se battra avec Peugeot, Toyota, Ferrari et les autres lors du centenaire des 24 Heures du Mans. Son héritage n’est peut-être pas aussi évocateur, nous vous l’accordons, mais l’histoire n’a pas oublié l’engagement passionné de Tony Vandervell et ses hommes. Il ne reste plus qu’à la découvrir en piste !

Comme un symbole, le lien avec la F1 existe bel et bien pour cette édition du centenaire, avec derrière le volant, Jacques Villeneuve, Champion du Monde de F1 1997 ! Ou pas. Le 25 mai, à quelques jours du départ, Jacques Villeneuve a finalement été remercié et remplacé par le Français Tristan Vautier.

Crédit photo : Michelin / Loades PLC/ SAS Scandinavian Airlines / Terry Whalebone

Découvrir l'équipe Endurance Magazine

Laisser un commentaire