Après les 24 Heures du Mans 1999 que beaucoup considèrent comme l'édition du siècle, et dont nous vous parlons dans un article complet "1999, l’édition qui a lancé l’endurance moderne", la plus grande course d'endurance au monde va connaître une période de domination Audi. Dès 2000, le constructeur allemand prend ses marques et fait de la Sarthe son terrain de jeu. Pourtant, plusieurs marques voulaient s'opposer aux R8, dont Cadillac. Alors que le constructeur américain revient aujourd'hui en catégorie DPi dans le championnat WeatherTech SportsCar Championship, nous revenons sur cette épopée des années 2000 à 2002.
Au sein du tentaculaire groupe General Motors, Cadillac est à la voiture de prestige ce que Chevrolet est au sport. Ainsi, avec le centenaire de la luxueuse identité de Detroit qui se profile au début des années 2000, les responsables de Cadillac lancent une offensive sportive d’envergure en prototype et partent à la conquête des 24 Heures du Mans ! Pour mener à bien ce challenge, Cadillac se donne trois ans : une première année pour voir, une deuxième pour comprendre, enfin une troisième pour gagner. 50 ans après la dernière apparition d’une Cadillac dans la Sarthe, il n’en sera pas tout à fait ainsi...
Pour donner naissance à sa Northstar LMP, tel est son nom, Cadillac se tourne vers l’un des rares constructeurs de prototypes aux Etats-Unis, Riley & Scott. Vainqueur des 12 Heures de Sebring en 1996 (Doyle Racing) et des 24 Heures de Daytona en 1997 puis 1999 (Dyson Racing), l’artisan nord-américain possède un certain savoir-faire que Cadillac souhaite exploiter pour débuter son programme et c’est en une Riley & Scott Mk III modifiée que la Northstar LMP voit le jour.
Propulsée par un V8 bi-Turbo initialement développé pour l’Indy Racing League, la voiture se révèle d’une conception plutôt basique en comparaison de l’approche menée par Audi avec sa R8. Malgré tout, l’enthousiasme est de mise sur le stand Cadillac du salon de Detroit, théâtre de la présentation officielle du projet. Avec de conséquents budgets, General Motors met en place un programme sportif particulièrement dense pour ses Cadillac Northstar LMP. Avec l’ambitieux projet de triompher au plus haut niveau pour les 100 ans de la marque, qui seront célébrés en 2002, le constructeur de Detroit déploie ses moyens aux Etats-Unis et sur le vieux continent.
Pour d’évidentes raisons de stratégie marketing, le Team Cadillac engage ses voitures en American Le Mans Series tandis qu’en Europe, l’équipe DAMS de Jean-Paul Driot s’atèle à la Sports Racing World Cup. Les premiers pas des Northstar LMP sont hésitants et surtout peu endurants. De nombreux, mais néanmoins prévisibles, problèmes techniques bousculent les troupes aux 24 Heures de Daytona et aux 12 Heures de Sebring, avant que les premiers signes encourageants n’apparaissent en début de saison SRWC, à Silverstone et Spa-Francorchamps.
Au Mans, le déploiement de force est impressionnant. Les deux équipes, nord-américaine et française, se retrouvent alors aux quinconces des Jacobins en un lundi de Pentecôte ensoleillé. Le public du pesage voit ainsi arriver ces quatre Northstar LMP alignées pour des équipages de tout premier plan. Les voitures argentées, du Team Cadillac, sont confiées à Andy Wallace, Butch Leitzinger et Franck Lagorce pour la n°1 et Wayne Taylor, Eric van de Poele et Max Angelelli sur la n°2. Chez DAMS, Emmanuel Collard, Eric Bernard et Franck Montagny se partagent la LMP n°3 tandis que Christophe Tinseau, Marc Goossens et Kristian Kolby se relayent au volant de la n°4. En tête d’affiche du programme officiel de cette 68e édition, les Cadillac conquièrent le cœur des spectateurs qui voient en ces américaines décomplexées, les outsiders aux favoris de la course : Audi.
Pourtant, les débuts sont difficiles et les performances ternes, dès la journée d’essais préliminaires qui se déroule six semaines plus tôt. À l’issue de celle-ci, les Cadillac se groupent au delà du Top 10 à près de 8 secondes du meilleur temps réalisé par Allan McNish (Audi). Toujours en pleine phase de développement, les deux équipes officielles procèdent alors à des essais de mise au point avant le début de la grande semaine mancelle, le Team Cadillac sur l’autodrome de Monza et DAMS à Spa-Francorchamps puis Silverstone. En conséquence, les autos se présentent aux commissaires techniques et sportifs avec une nouvelle boîte de vitesses X-Trac et un train arrière redessiné, excepté la n°4 qui conserve sa configuration d’origine.
Détail technique innovant, les Northstar LMP disposent d’une caméra infrarouge installée dans l'emplacement des optiques droites, permettant une vision nocturne exploitable directement via un écran placé sur le volant. Malgré ces changements et les nombreux kilomètres accumulés en préparation, les essais qualificatifs ne sont guère plus flamboyants puisque l’équipage le plus rapide, Collard/Bernard/Montagny, se positionne 9e du classement général en 3'42’’616.
Plus préjudiciable que le chrono proprement dit, les Cadillac ont connu une inquiétante série de problèmes mécaniques qui ont profondément perturbé leur séance de roulage. Une information qui confirme le stade encore très précoce du développement de l’auto qui souffre, malgré les modifications, de soucis de fiabilité chroniques.
Pour ce grand retour dans la Sarthe, le service communication de Cadillac fait les choses en grand. Si le streaming fait désormais partie intégrante de la culture du Web 2.0, imaginez qu’en cette année 2000, le constructeur proposait aux internautes de suivre en direct, dans la voiture de leur choix, les pilotes en pleine action grâce à une caméra embarquée. Cela ne suffira pas ! Le bilan du week-end souffle le chaud et le froid dans le clan américain.
Tandis que la voiture n°4 de l’équipe DAMS prend feu en début de course, que les deux modèles argentés n°1 et n°2 subissent de nombreuses avaries, l’encouragement vient toutefois d’Emmanuel Collard, Eric Bernard et Franck Montagny, les meilleurs représentants de Cadillac depuis les premiers essais. Après 20 heures de course, cette Northstar LMP n°3 pointait à la quatrième place derrière les trois Audi R8 du Team Joest, avant qu’une crevaison ne grippe ce tableau de marche efficace et régulier. Dans l’incident, la transmission du prototype sera touchée et l’équipage tricolore chutera à la 19e place finale malgré une intervention héroïque des mécaniciens.
Crédit photo : Cadillac
Article très intéressant avec des choses que je ne connaissais pas comme la caméra infrarouge !
De plus j'adore ce proto américain (la déco noire Motorola...!!!)
Une suite a venir sur les éditions 2001 et 2002 ?
Bonne continuation.