Avec quatre V-Series.R alignées pour cette 93e édition, la marque de General Motors ne cache plus ses intentions : décrocher enfin cette première victoire historique qui échappe encore à l'industrie automobile américaine depuis les glorieux succès de Ford dans les années 60. Car si les GT40 ont marqué l'histoire en humiliant Ferrari sur ses terres, aucun constructeur outre-Atlantique n'a depuis réussi à inscrire son nom au palmarès de la plus prestigieuse épreuve d'endurance mondiale. Cette quête, Cadillac la porte avec la V-Series.R, une Hypercar née de la collaboration entre Cadillac Design, Cadillac Racing et le spécialiste italien Dallara. Une LMDh au gros coeur, qui pourrait faire tomber Ferrari.
Sommaire
Une Hypercar taillée pour l'histoire
La Cadillac V-Series.R ne ressemble à aucune autre Hypercar engagée dans la catégorie reine. Avec son V8 atmosphérique LMC55R de 5,5 litres développé entièrement par les équipes de General Motors à Pontiac, dans le Michigan, elle détonne. « Tout, sur la voiture, a une fonction autant qu'une forme. Rien n'est purement esthétique : tout sert la performance », explique Chris Mikalauskas, designer extérieur principal de Cadillac, dans un article dédié à la belle sur le site officiel des 24 Heures du Mans : la Cadillac V-Series.R à la loupe : une Hypercar pour faire rugir l’Amérique au Mans.

Ce moteur de 1911 pièces différentes constitue bien plus qu'un simple groupe propulseur : il forme un élément structurel du châssis. Sa sonorité puissante et identifiable résonne comme un hymne à l'héritage automobile américain, rappelant les heures de gloire des muscle cars tout en servant la technologie moderne.
L'approche esthétique de Cadillac tranche également avec la concurrence. Les optiques verticales emblématiques, les lames flottantes et la carrosserie sculptée reprennent les codes de la gamme V-Series.
L'armada américaine face aux défis européens
Avec quatre V-Series.R engagées – deux par Hertz Team JOTA en WEC et deux autres par les équipes américaines Cadillac WTR et Cadillac Whelen –, Cadillac présente une force numérique importante dans la catégorie Hypercar, comme Porsche. Cette stratégie du nombre, inspirée des campagnes militaires, vise à maximiser les chances de succès face à une concurrence européenne redoutable menée par Porsche, Ferrari et Toyota.
Mais cette approche recèle aussi ses pièges. Le passage du programme WEC de Chip Ganassi Racing à JOTA a nécessité une période d'adaptation complexe. « C'est une association qui, sur le papier, fait rêver, mais il faut être lucide sur là où on en est : on est une jeune équipe », confie Norman Nato, pilote de la Cadillac n°12. Cette transition s'accompagne d'un partage intégral des informations entre toutes les équipes Cadillac, créant paradoxalement une « overdose d'informations » selon Sébastien Bourdais.

Le pilote français, fort de ses 18 participations aux 24 Heures du Mans, illustre ce défi par une anecdote révélatrice : « Parfois tu te demandes comment fonctionne le système, tu as des souvenirs, des trucs tout bêtes : par exemple la marche arrière n'était plus au même endroit. D'un seul coup tu te retrouves dans un bac à gravier, tu veux mettre la marche arrière et tu ne sais plus où elle est ! »
Cette complexité technique, née de l'évolution constante des systèmes électroniques et des cartographies, représente l'un des principaux défis que doit surmonter Cadillac pour transformer son potentiel en résultats concrets.
L'héritage des pionniers américains
L'engagement de Cadillac au Mans s'inscrit dans une tradition américaine d'audace et d'innovation qui remonte aux années 50. Briggs Cunningham, pionnier visionnaire de l'industrie automobile américaine, avait déjà tenté l'aventure mancelle avec sa légendaire Cadillac « Le Monstre », une machine au caractère aussi imposant que son surnom l'indiquait. Cette première incursion américaine, bien qu'infructueuse, avait planté les graines d'une ambition qui traverse les décennies.

Au début des années 2000, les Cadillac Northstar LMP900 avaient incarné de nouveaux espoirs, mais sans jamais concrétiser leurs ambitions. Aujourd'hui, avec le règlement LMDh spécifiquement conçu pour attirer les constructeurs Cadillac dispose enfin d'un programme solide et ancré sur le moyen-long terme.
Cette quête de la victoire dépasse le simple enjeu sportif. Pour Cadillac, triompher au Mans signifierait rejoindre Ford dans le panthéon des constructeurs américains vainqueurs en Sarthe, et décupler l'impact des 24 Heures du Mans outre-Atlantique. Le marché américain, traditionnellement moins sensible aux épreuves d'endurance européennes, pourrait redécouvrir la magie mancelle à travers le prisme d'une victoire de General Motors.
Les statistiques parlent d'elles-mêmes : depuis 2023, la V-Series.R a parcouru plus de 20 000 kilomètres de développement et démontré sa fiabilité. Depuis le podium décroché au Mans, lors de sa première participation en 2023 avec une remarquable troisième place, la Cadillac cherche un second souffle. Cette performance d'entrée révèle l'affinité particulière entre la V-Series.R et le circuit sarthois. À confirmer cette année.