Il y a tout juste un an, les derniers baquets encore vacants cherchaient preneurs en Formule 1. Suite à l’épisode Oscar Piastri/Alpine, les cartes étaient rebattues et c’est finalement le duo franco-français Gasly/Ocon qui se formait dans l’écurie au A fléché. Le nom de Mick Schumacher était un temps évoqué, mais finalement écarté. Aujourd’hui, et alors qu’Alpine cherche à former ses équipages pour le Championnat du Monde d’Endurance (WEC), Mick Schumacher est encore dans les candidats potentiels. Cette fois de manière plus persistante. Mais pourquoi cet intérêt pour l’allemand du côté des normands ?
Sommaire
Alpine peut s’offrir Schumacher (et sa visibilité) et frapper fort dès le début du programme
L’intérêt sportif, et le potentiel purement lié au pilotage du natif de Vufflens-le-Château, nous allons l’aborder dans un second temps. Car recruter Schumacher, c’est avant tout un « coup » sur le plan de la communication. Vous pouvez ne pas être d'accord avec ce constat, mais c'est pourtant bien la réalité, Schumacher c'est un "nom".
Ce n'est peut-être pas la première raison qui pousse à nouveau Alpine à s’intéresser à ce dernier aujourd’hui. Mais le fils de Michael Schumacher possède un patronyme qui a de la valeur, et qui véhicule à sa simple prononciation un sacré bagage d’images et de légendes.
Alors non, Michael Schumacher n’a jamais été associé à Alpine, d’une manière ou d’une autre. Mais il incarne logiquement une certaine période du sport-automobile, et porte avec lui des espoirs, une attente. Nombreux sont les amateurs de F1 et plus globalement de sport-automobile qui aimeraient voir une belle légende s’écrire, celle d’une descendance teintée de victoires. Un « nouveau Schumacher », qui gagne, c’est un rêve que bien des fans formulent, hein (pas mal celle-là). Et pas seulement des fans allemands (on dit au Mans pas à Le Mans d'ailleurs). Car si les constructeurs font parfois des choix de line-up en soignant aussi la diversité des nationalités (pour communiquer sur les différents marchés), Mick apporte lui une image internationale. Et du budget. Il a ramené avec lui 1&1 comme sponsor chez Haas F1 Team, et peut permettre à Alpine d’avoir un pilote à haute valeur commerciale, sans vraiment être un pilote payant. Quand on sait que dans le groupe Renault, la politique est de faire en sorte que le sport auto ne coûte pas d'argent (voire en rapporte), Mick est un excellent choix.
L’endurance est le meilleur choix possible pour Mick Schumacher actuellement
S’il ne bascule pas chez Alpine, ou au moins en endurance, que peut espérer Mick Schumacher ? Après deux saisons de Formule 1 à naviguer au-delà de la 15e place en moyenne, avec une confrontation favorable en 2021 contre Nikita Mazepin mais bien moins flatteuse contre Kevin Magnussen en 2022, l’Allemand n’a pas su rebondir en 2023. Dans la partie de chaises musicales jouée fin 2022 avec Alexander Albon, Nico Hülkenberg, Pierre Gasly, Antonio Giovinazzi, Logan Sargeant, Robert Shwartzman sans oublier Nyck de Vries, Schumacher a vite été évincé.
Remercié de la Ferrari Driver Academy dans le même temps, il a été « récupéré » dans le giron Mercedes et a aujourd’hui un rôle de réserviste. Les opportunités pour (re)rouler un jour en F1 ne sont pas fermées. Mais, si elles existent, elle restent et resteront rares. Le statut de pilote de réserve n’est pas le placard obligatoire. Nombreux sont les pilotes de réserve de F1 2023 qui sont des concurrents à un volant en F1. Mais voilà, Mick Schumacher a eu son opportunité, sa fenêtre de tir. 12 points inscrits en 44 Grand Prix. C'est factuel.
La délivrance est arrivée un peu tard, et le déclic jamais vraiment apparu face à Kmag. Le moment de changer de direction, de faire un « pivot », nous semble plutôt opportun.
Le moment de changer de direction, de faire un « pivot », nous semble plutôt opportun.
Car en 2024, Mick Schumacher n’aura pas non plus de volant en F1. Quitter pendant deux saisons consécutives les paddocks de F1, et toute compétition, ce n’est pas soutenable. Rouler, au moins un peu, en conditions de course, est indispensable. Le WEC et son calendrier relativement light de huit courses (comme le Championnat du monde de Formule 1 de 1951, vous pouvez aller vérifier), laisse du temps pour être réserviste chez Mercedes. Toto Wolff l’a d’ailleurs dit, il ne s’opposera pas à un programme parallèle pour Schumacher. Après tout, F1 et endurance s’apprécient plus que jamais…
Les « anciens » pilotes de F1 qui basculent en WEC, c’est bien !
Ah, les 24 Heures du Mans, c’est le déversoir des pilotes de F1 qui ne percent pas. C’est le placard des pilotes qui ne sont pas bons. L’endurance, ce n’est pas aussi noble que la F1. Ces conclusions, ces observations, elles sont persistantes. Et pourtant, si l’endurance a en effet longtemps été la route parallèle pour les candidats à la F1 éconduits, il faut aussi reconnaître que la discipline suscite aujourd’hui des vocations. Certains pilotes, par choix, ne s’aventurent pas dans l’ascenseur financier de la F4 à la F1, et préfèrent la jouer en mode coupes de marque, tourisme et GT, pour débarquer ensuite au Mans.
Les pilotes F1 l’ont compris et le turnover rapide de la discipline produit chaque année son lot de candidats qui peuvent abandonner la monoplace pour une bagnole à partager avec deux équipiers. Mick Schumacher n’a pas prouvé en F1 sa valeur. C’est dans les échelons inférieurs, lorsque la qualité de préparation et du pilotage prend une valeur plus forte qu’en F1 qu’il a marqué des points : champion F3 en 2018, champion en F2 en 2020. Son talent, bien réel, mérite d’être mis au service d’un projet qui vise les sommets (Alpes, Alpine, vous l'avez ?).
Puisque la comparaison avec le père est impossible
En fin de mois, à Aragon, c’est aussi peut-être le début d’un nouvel arc narratif autour de l’héritage de Michael Schumacher qui peut débuter. Le « baby-Schumi » a déjà existé, en la personne de Sébastian Vettel, allemand fan de Michael Schumacher au palmarès bien fourni en F1. Vouloir inscrire absolument Mick dans les pas, plutôt lourds à suivre, de son paternel, c’est une quête qui semble compromise plus le temps passe.
Vouloir inscrire absolument Mick dans les pas, plutôt lourds à suivre, de son paternel, c’est une quête qui semble compromise plus le temps passe.
Fin août 1992, quand Michael Schumacher remportait sa première victoire en F1, il avait 23 ans. Il avait débuté à 22 ans, à Spa-Francorchamps, déjà. Mick n’a que 24 ans. L’écart est faible, mais l’arrivée de pilotes toujours plus jeunes rend les opportunités moins nombreuses pour les plus âgés. Oui, à 24 ans, on a déjà perdu de la fraîcheur pour la F1.
Alors, au lieu de rechercher cette lignée de Schumacher en F1, et si son histoire à lui, sa quête personnelle, c’était l’endurance ? Alpine va peut-être aussi chercher chez Mick Schumacher son envie d’ailleurs, son désir de ne pas avoir sans cesse la comparaison avec son Baron de père lui être opposée. Il l’a déjà confié, cette évocation répétée ne le dérange pas. Mais le moment est venu on le pense d’écrire son histoire ailleurs que dans le sillage du père. Ah oui, je sais ce que vous allez me dire. Michael Schumacher a une histoire avec l’endurance. Je sais, je sais. Enrôlé par Mercedes dans le Junior Team au début des années 90, il a disputé l’édition 1991 et en a signé le meilleur tour. Coaché par Jochen Mass, Schumacher père est ensuite parti en F1.
Son fils se prépare à faire exactement l’inverse, après avoir été couvé jusqu’au top de la monoplace, mais ne pas y avoir trouvé sa place. Alpine mise sans doute un peu sur cette renaissance de Mick Schumacher, et sur son retour sur les podiums qu’il a tant côtoyés. La réponse devrait intervenir avant la fin de l'année, avec la composition des équipages complets.
Illustrations : Mercedes AMG F1, Uralkali Haas F1 Team et Haas F1 Team