Le 8 juillet 2022, pour la toute première fois, les Peugeot 9X8 participaient à une épreuve du Championnat du Monde d'Endurance (WEC) à l'occasion des 6 Heures de Monza. Depuis, les contre-performances se sont enchaînées, au point d'en arriver aujourd'hui à se demander légitimement si le programme n'est pas en danger. Le manque de résultats, malgré des choix techniques ambitieux et un engagement fort, pourraient amener à une fin prématurée. A moins d'un sursaut ?
Dès 2020, dans la foulée de la confirmation du retour de Peugeot aux 24 Heures du Mans, un premier flou apparaissait. La marque française évoquait son intention de participer à la classique sarthoise et au WEC, dès 2022, mais n'indiquait pas de date de début officiel. Le Mans, pas Le Mans ? Les grands débuts n'allaient pas se faire dans la plus grande course d'endurance au Monde, mais plutôt dans la banlieue milanaise, à Monza.
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Une Hypercar née trop tôt ?
Présentée le 5 juillet 2021 dans l'atelier de Stellantis Motorsport à Satory, la 9X8 était la première Hypercar au style radicalement nouveau, tranchant avec la Toyota GR010 très typée LMP1, ou les Glickenhaus au style néo-rétro. Peugeot frappait fort, très fort, en appliquant concrètement toute la liberté permise par le règlement, pensé pour faire renaître la période dorée des LMGTP de la fin des années 90. Ce choix esthétique, novateur, de créer une auto sans aileron arrière et avec une « gueule » reconnaissable n’est probablement pas à l’origine des performances médiocres des 9X8. Si les françaises n’allaient ensuite jamais être capables de suivre le rythme des autres - sauf en de trop rares exceptions, avec des conditions de course ou météorologiques ultra-favorables – c’est pour une autre raison.
Le premier problème concernait les pneumatiques et cette fameuse monte au carré (31 pouces pour tous les pneus). Une obligation réglementaire au moment où le projet 9X8 était lancée, qui devenait ensuite facultative lorsque les constructeurs qui frappaient à la porte et voulaient se lancer se multipliaient.
La 9X8, pensée pour des paramètres précis, se retrouvait en piste en étant conforme à un règlement qui n’existait plus, du moins plus de la même manière.
Avec une monte possible plus traditionnelle (29/34), la contrainte de penser une voiture avec des pneus de dimension identique n'en n'était plus une pour Ferrari et sa 499P, par exemple. Peugeot, qui avait déjà commencé à assembler des châssis, constatait amèrement que la concurrence avait un p(n)eu d'avance. Ce n’est qu’en avril 2024 que la 9X8 allait adopter cette monte différenciée entre le train avant et le train arrière !
Le poids minimum a aussi évolué dans le règlement - de 1100 kg à 1040 kg - et la vitesse minimale à partir de laquelle le système hybride peut être utilisé a été augmentée. La 9X8, pensée pour des paramètres précis, se retrouvait en piste en étant conforme à un règlement qui n’existait plus, du moins plus de la même manière.
Une bataille difficile dans le peloton des Hypercar
Dès les débuts en 2022, les problèmes de jeunesse apparaissent : soucis de suralimentation, fuites d'huile, dépassement de la puissance autorisée, reset du système électrique, soucis de commande de boîte de vitesses, les pépins s'accumulent à Monza, Fuji puis Bahreïn.
Cette première moitié de saison inaugurale s'achevait sans le moindre podium, les 9X8 étant débordées par les Toyota GR010 Hybrid, mais aussi par l'Alpine LMP1 autorisée en Hypercar ou les SCG 007 LMH. Pour un constructeur ayant fait le choix du LMH, la comparaison avec Toyota était difficile. Et cela n’allait pas vraiment s'améliorer en 2023.
Peugeot a payé pendant toute la saison 2023 des choix qui étaient les bons au moment de concevoir la voiture, mais qui étaient obsolètes au moment de ferrailler avec la clique des Hypercar.
Peugeot a payé pendant toute la saison 2023 des choix qui étaient les bons au moment de concevoir la voiture, mais qui étaient obsolètes au moment de ferrailler avec la clique des Hypercar.
Frustrant. Frustrant, d’autant que les coups d’éclat, il y en a eu. Le Mans 2023 notamment a permis de voir que Peugeot pouvait suivre dans des conditions de course certes un peu « hachées » et avec de la pluie. Mais la première apparition en Sarthe n’était pas ridicule du tout.
Aperçu en 3’27’’850 lors des qualifications en 2023, Loïc Duval était battu en 2024 en performance pure par Jean-Eric Vergne, en 3’26’’195. Plus rapide, les 9X8 étaient aussi plus fiables, avec les 11e et 12e places, à 2 tours seulement des vainqueurs, après 24 heures d’effort. Sacré progrès par rapport aux 8e et 27e places de 2023, à 12 et 30 tours !
Oui, mais depuis, la concurrence est devenue encore plus affutée et plus nombreuse. Les Porsche 963 se sont multipliées, les Lamborghini SC63 ont misé sur la fiabilité, et les Cadillac sont toujours fiables et rapides quand elles sont bien emmenées, et ne finissent pas dans un mur.
Toujours à contre-temps
Dans ce programme 9X8, Peugeot ne fait rien comme les autres. La 9X8 évolution 2024 n’est pas apparue à Losail au début de la saison, mais bien lors de la deuxième course, à Imola. Un petit décalage, mais qui selon moi a impacté négativement la saison actuelle. Pourquoi ? Car durant l’hiver 2023/2024, l’équipe a fait face à un double challenge, en continuant de travailler sur l’ancienne version, tout en se mettant la pression pour la 9X8 2024. 100 % des forces vives n’étaient donc pas mobilisées vers la nouvelle mouture.
On a la sensation de voir une équipe toujours à contre-temps, décalée. Cela se paie avec une balance de performance (la fameuse BoP) assez peu favorable depuis le début de l’année, les gardiens du règlement évaluant la 9X8 comme une nouvelle voiture, et ayant besoin de données pour pouvoir bien la positionner face aux autres en matière de poids, de puissance et d’énergie disponible.
Cela fait maintenant 15 courses que les 9X8 sont présentes, mais seulement 4 pour la version « améliorée », avec la monte corrigée et une aérodynamique revue.
Chez Stellantis, les dirigeants vont-ils laisser encore une demi-douzaine de courses (jusqu’au Mans 2025) pour juger de la pertinence du programme et éventuellement le stopper ? Probable. Au Mans, de manière informelle, la directrice générale de Peugeot Linda Jackson a confirmé aux organisateurs que le Lion serait là l’an prochain. Mais après ?