Faisant face à une pléiade de marques de premier plan, Lamborghini et son équipe partenaire Iron Lynx ont accompli des progrès substantiels avec la première voiture de course prototype développée par la division de compétition de la firme de Sant'Agata Bolognese, le département Squadra Corse. Suffisant pour aborder Le Mans 2024 sereinement ? Pas vraiment.
La SC63, premier prototype de l’histoire Lamborghini
Parmi ses concepts et « Prototipo » créés depuis les années 60, en parallèle de ses modèles de série, Lamborghini n’a que très peu exploré le champ de la compétition. En 1981, le prototype LM001 disposait d’une désignation semblant évoquer Le Mans, mais il s‘agissait en réalité d’un concept de véhicule off-road, totalement inadapté aux Hunaudières. En 1985, la Countach QVX (jamais vue au Mans) est créée pour répondre au règlement Groupe C. En fait un châssis Spice Engineering affublé du V12 de 5,7 litres à carburateurs de la Countach. Une initiative que l’on doit à David Jolliffe, l'importateur de Lamborghini en Grande-Bretagne. Pas vraiment un prototype 100 % maison.
Lamborghini à motorisé des F1, au début des années 90, mais ce n’est qu’en 2000, alors que la marque vient tout juste d’être reprise par Audi, que les espoirs de voir la firme italienne en Sarthe émergent. La marque aux anneaux modernise largement Lamborghini, et structure son approche de la compétition. Et, en 2006, une Murciélago R-GT apparait sur la liste des engagés en LMGT1. Pour la première fois depuis 1975, et une tentative qui s’est limitée aux essais d’une 400 GT, une Lamborghini est au Mans. Elle est engagée sous bannière japonaise avec, une fois encore, une volonté de clients de la marque, via le Japan Lamborghini Owner’s Club (JLOC).
Cette année 2006 sera suivie de quatre autres tentatives, toutes marquées par de vraies difficultés techniques. Malgré la présence de Reiter Engineering à la préparation des voitures, aucune des « Lambo » ne voit l’arrivée. Signant 283 tours, la Murciélago R-GT #53 n’est pas classée lors de sa première tentative en 2006 donc, ne couvrant pas la dernier tour ! En 2007, un petit tour seulement et c’est l’abandon (boîte de vitesse cassée). En 2008, passée sous pavillon russe, la Murcielago R-GT ne couvre pas la distance minimale nécessaire. En 2009, la voiture ne couvre une nouvelle fois qu’un tour symbolique, après des ennuis aux essais - rupture de l’arbre de transmission – qui ont démotivé les troupes. En 2010, l’abandon est prononcé après 18 heures d’effort.
La SC63 constitue ainsi, au regard de cette histoire tumultueuse, une exception. Elle est la toute première Lamborghini « prototype », la première à être engagée pour se battre pour la victoire au général, et la première voiture hybride, toute compétition confondue, du constructeur. « La SC63 est la voiture de course la plus avancée jamais produite par Lamborghini et elle suit notre feuille de route 'Direzione Cor Tauri' établie par la marque pour l'électrification de notre gamme explique Stephan Winkelmann, Président de Lamborghini. L'opportunité de participer à certaines des plus grandes courses d'endurance au monde avec un prototype hybride correspond à notre vision de l'avenir de la mobilité haute performance, comme cela a été démontré pour les voitures homologuées pour la route avec le lancement de la Revuelto. La SC63 LMDh est l'étape vers les plus hauts échelons et vers l'avenir du sport automobile pour notre Squadra Corse ».
De la fiabilité, mais pas encore de performance !
Derrière les résultats encourageants en piste et la fiabilité prometteuse des SC63 se cache un travail acharné des mécaniciens, ingénieurs, techniciens et pilotes des équipes Lamborghini Squadra Corse et Iron Lynx, la majorité œuvrant à la fois sur les programmes WEC et IMSA. Malgré un temps de développement relativement court depuis le lancement officiel de la voiture l'été dernier, le SC63 a déjà décroché des points dans les deux championnats.
Bien que limitée à une seule voiture en WEC et IMSA pour sa saison inaugurale, l'équipe Lamborghini Squadra Corse attaquera les 24 Heures du Mans avec deux SC63. La course la plus importante, sans doute, de l'histoire d'Automobili Lamborghini.
Au Qatar (en WEC), le SC63 a fait ses débuts en course lors de la manche d'ouverture de 1812 km. L'équipage Bortolotti/Mortara/Kvyat est resté humble, cherchant à tout apprendre sur cette nouvelle monture. Malgré un rythme en course encore limité, la fiabilité de leur SC63 a été un point positif.
À Sebring (en IMSA), Grosjean, Cairoli et Caldarelli ont offert à la SC63 sa première course aux États-Unis. Après 12 Heures particulièrement difficiles, la voiture a démontré sa robustesse en terminant dans le même tour que la voiture de tête, au 7e rang. De retour en Europe à Imola (WEC), la SC63 a connu son meilleur week-end dans le championnat sur les terres de Lamborghini, combinant enfin fiabilité et rythme compétitif pour finir 12e.
À Spa (une fois encore en WEC), en revanche, le premier abandon est survenu suite à une défaillance de la suspension arrière.
Les enjeux du double tour d'horloge sont immenses pour Lamborghini. "Le Mans est la véritable épreuve de vérité pour la fiabilité, confie le directeur technique Rouven Mohr. La voiture n'a encore jamais couru 24 heures à ce niveau de performance."
Bien que confiants sur la robustesse démontrée jusqu'ici, Mohr et son équipe peaufinent encore le réglage aérodynamique/mécanique optimal. "Trouver le meilleur compromis entre l'appui aérodynamique, l'adhérence mécanique et la gestion de la motricité, c'est un énorme travail, bien plus complexe qu'en GT3."
Le point fort actuel réside dans la facilité de pilotage des SC63. Mohr vante également ses qualités aérodynamiques, qui n'expriment pas encore leur plein potentiel.
Si Lamborghini manque d'expérience au Mans, ses partenaires Iron Lynx et Prema ont déjà brillé dans la Sarthe. Un atout précieux. Les 24 Heures du Mans s'annoncent comme l'épreuve de vérité ultime pour la nouvelle SC63. Lamborghini a rendez-vous (enfin) avec son histoire aux 24 Heures du Mans.
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Crédit photo : Lamborghini / Geoffroy Barre