Quel défi vient relever Genesis aux 24 Heures du Mans ?

L'endurance vit actuellement une période faste, riche en constructeurs, riche en pilotes, riche en spectacle, riche en notoriété. Et visiblement, tout le monde veut en être. Si Ford et McLaren visent 2027 pour mettre sur les roues leurs programmes Hypercars respectifs, un nouveau prétendant rejoindra dès 2026 le plateau du mondial. Nouveau à bien des égards, Genesis relève le défi. Mais quel défi ?

Que vient chercher une marque âgée de 10 ans seulement en Sarthe ?

Posons-nous d’emblée les bonnes questions : quelles sont les ambitions profondes du groupe Hyundai dans ce nouveau programme sportif ? Simplement s’afficher parmi des concurrents légendaires pour s’offrir une visibilité technique et commerciale sans précédent, ou est-ce un farouche objectif de remporter la plus grande course automobile du Monde à grand renfort de Dollars, de sueurs et de sang ?

Première image "brute de carbone" de la GMR-001 présentée mi-août 2025 - photo Drew Gibson

Si une aussi jeune marque que Genesis, lancée en 2015, investit de l’argent - et mise sur un capital humain fort - pour capitaliser sur l’image de marque du WEC et du Mans, c’est que le Championnat du Monde d’Endurance et les 24 Heures ont atteint des niveaux de renommé, de popularité et d’influence inégalés jusqu’à maintenant. Tous les constructeurs actuellement impliqués ont une histoire commune extrêmement forte avec la classique mancelle, faite de joie, de drames, de succès et de défaites. Toutefois ce n’est pas le cas de Hyundai et encore moins de sa filiale Genesis.

Sur les routes glissantes de l’Ardèche autant qu’entre les arbres des forêts finlandaises, l’histoire de Hyundai en sport automobile est étroitement liée au rallye et cela depuis 25 ans.

Une nouvelle identité à construire

Sur les routes glissantes de l’Ardèche autant qu’entre les arbres des forêts finlandaises, l’histoire de Hyundai en sport automobile est étroitement liée au rallye et cela depuis 25 ans. Ils sont loin les débuts de l’Accent WRC aux mains de Kenneth Eriksson et Alister McRae. Et, depuis, la marque de Séoul a écrit l’histoire de la discipline autant que sa propre histoire. Evidemment, les circuits ne sont pas des terrains de jeu totalement inconnus puisque Hyundai a également su surfer sur la vague du règlement TCR en développant une i30 puis une Elantra de Super Tourisme. Sur ce sujet, nous aurions pu nous poser les mêmes questions qu’aujourd’hui, bien que dans une moindre mesure. Car s’il était évidemment judicieux de promouvoir la gamme N des voitures à caractère sportif de la marque notamment par le prisme des courses de berlines, cela demanda beaucoup moins de moyens et de savoir-faire que pour mettre une Hypercar sur la plus haute marche du podium de la course automobile réputée la plus impitoyable de la planète.

De la couleur, il va y en avoir avec le programme Genesis, qui tend sur le orange Papaya McLaren

En 2026, Genesis sera sous le feu des projecteurs. La filiale premium de Hyundai, déjà bien implantée aux Etats-Unis mais qui tarde à pénétrer le marché européen, va monter sur le ring et enfiler les gants pour relever un sacré challenge. Un challenge dont les bénéfices d’une seule présence dans la ligne droite des Hunaudières pourrait marquer un tournant dans le développement stratégique de la marque. Avec un championnat aussi fourni en constructeurs et une épreuve phare si prestigieuse, le simple fait d’être sur liste des engagés représente une source intarissable de leviers marketing pour assurer à un constructeur premium une visibilité totale et des canaux de communication idéaux pour vendre une technologie, une image, une identité. Alors, figuration stratégique ou volonté de marquer les esprits à tout jamais ?

Les indices qui indiquent une volonté forte de gagner

Coté staff tout d’abord, certains cadres dominant l’organigramme confirment une réelle ambition de performer tandis que d’autres génèrent des interrogations. Cyril Abiteboul est sans aucun doute LA caution de ce futur programme endurance. Président de Hyundai Motorsport depuis 2024, il a démontré ses qualités de gestionnaire, de meneur d’Hommes et il a réuni tous les éléments qui ont permis à Thierry Neuville et Martijn Wydaeghe d’être sacrés Champions du Monde des Rallyes l’an dernier. Par ailleurs, tandis que l’équipe Alpine F1 patine toujours dans d’innombrables casse-têtes organisationnels, il est clairement celui qui avait le mieux œuvré lorsque l’écurie d’Enstone s’appelait encore Renault F1.

Tandis que l’équipe Alpine F1 patine toujours dans d’innombrables casse-têtes organisationnels, Cyril Abiteboul est clairement celui qui avait le mieux œuvré lorsque l’écurie d’Enstone s’appelait encore Renault F1.

À la technique, le recrutement de Justin Taylor est assurément une excellente nouvelle. L'ingénieur nord-américain a travaillé par le passé pour le Team Joest sur les programmes Audi et Mazda, ainsi que chez Ganassi Racing pour Cadillac et enfin avec AF Corse en qualité d’ingénieur en chef de la 499P n°51. Toutes ces expériences au plus haut niveau de l’endurance font de lui l'un des piliers de l'équipe Genesis Magma Racing. Il n'en fallait pas moins comme compétences pour espérer rivaliser avec les meilleurs, c'est ainsi une très belle prise pour Cyril Abiteboul qui tient là son plus solide atout. Le reste de l’organigramme laisse beaucoup plus songeur.

Que penser d’Anouck Abadie, qui officiera en Team Manager de l’équipe ? La Française de 32 ans s'apprêtera à vivre l'an prochain son plus grand défi professionnel tant par les enjeux sportifs d’un tel engagement que par le niveau de compétition dont il faudra faire face. La marche à franchir s’apprête donc à être particulièrement haute pour l’ancienne responsale du Kessel Racing en Ferrari Challenge, car il n’y a aucune comparaison possible entre une coupe monotype de Gentlemen Drivers et l’une des catégories les plus disputées du sport automobile planétaire ! Mais il arrive parfois que le succès et la maitrise n’attendent pas le poids des années. C’est naturellement tout le mal que nous lui souhaitons.

En 2024, IDEC Sport engage une LMP2 aux couleurs GMR, en guise de grande répétition

En nommant Gabriele Tarquini en Directeur Sportif, le poids des années a certainement dû être l’argument clé. Que l’on parle de ses années F1 au sein de modestes équipes comme Coloni, AGS et Fondmetal, ou plus glorieusement de ses deux décennies en tant que pilote officiel Alfa Romeo, Seat et Honda en courses de Tourisme, l'Italien est sans aucun doute un grand nom du sport automobile, dont le palmarès et l’expérience sont indiscutables. Cependant, les courses d’endurance quelles qu’elles soient n’ont jamais été son environnement professionnel, ni de près ni de loin. Son seul rendez-vous avec les 24 Heures du Mans, Gabriele Tarquini l’eut en 1985 sur une Porsche 956 Brun qu’il avait partagé avec Massimo Sigala et Oscar Larrauri. Autant dire une autre époque. Voilà qui ressemble plus à un poste figuratif de représentant commercial pour le transalpin et qui interroge sur l’approche globale du projet.

Triple vainqueur des 24 Heures du Mans, André Lotterer est la caution pilotes du programme

Du coté de l’exploitation, Genesis fait confiance à Idec Sport, l’équipe de Patrice Lafargue managée par Nicolas Minassian. Là aussi, la marche à grimper s’annonce aussi haute que difficile pour une structure dont la maitrise de la catégorie LMP2 est toutefois sans conteste. C’est d’ailleurs sur cette expertise et ce savoir-faire que s’appuie le constructeur coréen totalement néophyte en endurance. Et de la maitrise, il va en falloir pour concurrencer des équipes comme le Toyota Gazoo Racing, AF Corse, Team Penske, Jota Sport , Alpine Signatech et d’autres dont l’expérience est considérable. Et les moyens financiers incomparablement supérieurs.

Pipo Derani trouve un nouveau défi dans sa carrière, après (notamment) une épopée chez Cadillac

Enfin les pilotes. Entre les nominés et les prétendants, le line-up pour 2026 est encore une source de théorie et d’interrogations. Nul besoin de présenter André Lotterer et Pipo Derani qui sont pour le moment les deux seuls pilotes officiellement confirmés. C’est du côté des candidats potentiels qu’une confirmation se fait attendre puisqu’il serait logique que Jamie Chadwick, Mathys Jaubert et Dani Juncadella fassent partie du programme en tant que pilotes Genesis Magma Racing Trajectory. Derrière le volant, il ne pourra y avoir la place au moindre écart en vitesse pure face à des pilotes concurrents dont le niveau et le mental sont en acier trempé. Quelques dixièmes lâchés de-ci de-là et c’est un écart en tour qui se mesurera à la fin d’une course.

Une LMDh en version beta face à des LMH et LMDh déjà en V 2.0 ?

En optant pour une LMDh et une sous-traitance châssis par Oreca, dont le savoir-faire est incontestable, Genesis Magma Racing s’assure à coup sûr un package rapidement opérationnel et raisonnablement fiable. Ce sont du moins les premiers échos captés suite au récent shakedown de la GMR-001. Toutefois, cette approche résolument conservatrice pour une équipe aussi débutante laisse imaginer qu’il sera bien difficile, même à moyen terme, de menacer les voitures dominantes de la hiérarchie. D’autant que les Evo Jokers défilent pour une grande majorité des voitures du plateau et que le niveau de performance global du WEC ne cesse de croitre.

Déverminage au Castellet

Cela dit, l’histoire nous a parfois montré qu’il ne suffisait pas de positionner les femmes et les hommes les plus doués et expérimentés pour s’assurer victoires, titres et Champagne. Nous en avons connu des programmes Le Mans qui ont tristement échoué malgré des têtes pensantes remarquables, des pilotes de très haut niveau et des millions de Dollars dépensés. Des exemples parmi d’autres ? Mercedes CLR, Aston-Martin AMR-One, Nissan GT-R LM Nismo ou plus récemment Lamborghini SC63.

La première année est la plus simple car elle permet de travailler sous le dôme protecteur de la nouveauté et de la jeunesse. Mais la première année apporte également son lot de réponses à tant de questions sur l’intensité et la durée de l’effort nécessaire pour atteindre les objectifs fixés.

Les Sud-coréens l’ont emporté en WRC et ils devront puiser dans leurs tripes cette volonté de gagner et non simplement de vouloir faire acte de présence pour briller sur une scène éclairée qu’il est difficile d’ignorer lorsqu’il s’agit de promouvoir de nouvelles technologies de mobilité. La détermination doit être nourrit par la difficulté et non par la possibilité d’afficher de séduisants roll-up dans les showrooms de la marque à travers le Monde. La première année est la plus simple car elle permet de travailler sous le dôme protecteur de la nouveauté et de la jeunesse. Mais la première année apporte également son lot de réponses à tant de questions sur l’intensité et la durée de l’effort nécessaire pour atteindre les objectifs fixés.

Les premières esquisses montraient une partie arrière très travaillée

Images : Genesis Magma Racing

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