Que peut-on attendre d'Aston Martin pour son retour aux 24 Heures du Mans ?

C'est un événement. Aston Martin, vainqueur des 24 Heures du Mans en 1959, va à nouveau tenter de briller en Sarthe. Déjà vue par le passé en prototypes (à l'époque des Groupe C puis en LMP1 avec les DBR-1 Lola et l'AMR-One), la marque mise cette fois sur sa Valkyrie, voiture de route à la fiche technique délirante. Le retour d'Aston Martin Racing au sommet de l'endurance prototype, 20 ans après les débuts de l'Aston Martin DBR9 en GT1, peut-il être couronné de succès ? Peu probable.

Un projet hybride, enfin pas tout à fait

Tout premier constructeur à avoir annoncé son arrivée en Hypercar lors de la présentation du règlement en 2019, Aston Martin a ensuite fait marche arrière, mettant en pause son projet endurance, en partie pour accompagner la montée en puissance en Formule 1. Et puis, à la manière de McLaren, poussé en son temps par des propriétaires privés, la marque anglaise a finalement donné le feu vert à un projet Le Mans, avec The Heart Of Racing (THOR) comme partenaire très impliqué. Un partenaire apportant une partie des fonds manquants, que l'on ne voulait pas sortir du côté de Gaydon.

Aston Martin DBR1 LMP1, celle qui voulait faire tomber les Audi et Peugeot en 2009/2010

Ainsi, et c'est un premier élément de compréhension capital, il ne faut pas s'y méprendre, les Aston Martin engagées sont soutenues par la marque, mais les intérêts « privés » sont importants, et on ne peut pas comparer l'engagement des Anglais aux efforts déployés notamment par Ferrari ou Porsche.

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Le projet est un peu hybride. Avec THOR comme équipe d'exploitation donc, plutôt qu'une équipe 100 % maison. Cette approche était aussi utilisée avec Prodrive par le passé, mais l'expérience plus limitée de l'équipe de Ian James, le team manager peut poser question. Jamais celui-ci n'a porté un programme à aussi haut niveau avec son équipe créée en 2020. The Heart of Racing appartient à Gabe Newell, un milliardaire du secteur technologique surtout connu pour être le fondateur et président du développeur de jeux vidéo Valve. C'est lui qui a contribué à relancer le projet Valkyrie, ce qui explique l'autonomie laissée en matière d'exploitation et de sélection des pilotes.

Valkyrie dans les rues de Long Beach, première expérience sur un circuit urbain

Aston Martin dirige la phase technique en coulisses, développe la voiture pour l'homologation LMH et tire parti de son statut de marque historique du Mans pour aider à promouvoir ses modèles.

Hybride aussi, le projet l'est sur la voiture elle-même. A l'origine, c'est la Valkyrie de route qui devait être déclinée en version course pour Le Mans. Mais depuis 2019, les choses ont changé. La validation des règles LMDh, puis la modification des règles en LMH (avec la disparition de la fameuse monte de pneumatiques au carré obligatoire) a rendu totalement inadaptée la Valkyrie aux Hunaudières. « Bien que la Valkyrie AMR Pro ait été initialement conçue pour répondre à la réglementation Le Mans Hypercar de la FIA, des ajustements ont été apportés pour la préparer à la compétition. Le châssis en fibre de carbone a été optimisé, et le moteur V12 atmosphérique de 6,5 litres, fabriqué par Cosworth, a été modifié pour répondre aux exigences de la catégorie Hypercar. Contrairement à la version de route, la version de course ne disposera pas de système hybride » peut-on lire sur Classic Auto.

Une ligne agressive, sublime, pour accompagner un son envoutant !

Ce n'est pas la Valkyrie qui est prise comme base, mais la Valkyrie AMR Pro, une voiture pensée pour les Trackdays. Sans hybridation, avec un V12 atmosphérique, elle est totalement anachronique. Dès lors, quelle performance attendre en ce mois de juin ?

Finir et conquérir le cœur du public

Les Valkyrie en haut des feuilles de temps, aux essais comme en course, cela ne devrait pas arriver. Du fait de la jeunesse du programme logique, de l'absence d'hybridation qui condamne la performance sur la durée d'un relai, mais aussi en partie à cause d'une line-up de pilotes un cran en dessous de ce que l'on peut voir chez les autres.

Les Valkyrie en haut des feuilles de temps, aux essais comme en course, cela ne devrait pas arriver.

Le V12 qui va claquer les 11 000 tours / minutes va en revancher enchanter les spectateurs autour de la piste. Et c'est, déjà, une victoire. Alors que le nombre de constructeurs engagés ne cesse de progresser, mais que les marques ayant décroché des victoires en Championnat du Monde d'Endurance restent peu nombreuses sur les deux dernières saisons (Ferrari, Toyota et Porsche se sont partagés le gâteau), Aston Martin ne vise pas à exister sportivement de cette édition 2025 des 24 Heures du Mans. La performance - on l'espère - viendra après. Ce qu'il va falloir faire pour cette Année 1, c'est engranger l'expérience.

En formation lors de la manche d'Imola WEC

Pour le moment, les choses se déroulent bien. Dans le TOP 10 aux 12 Heures de Sebring (9e), la Valkyrie n°23 de Roman De Angelis, Ross Gunn et Alex Riberas a terminé à deux tours seulement. Un petit exploit pour ce batême du feu aux Etats-Unis, sur un circuit réputé cassant. En WEC aussi, la progression est là : un seul abandon en trois courses, et des arrivées toujours plus proches des autres Hypercars. A Spa-Francorchamps, Harry Tincknell et Tom Gamble ont terminé dans le tour de la Ferrari victorieuse (comme dans les rues de Long Beach pour Roman De Angelis et Ross Gunn). Au cumulé, les deux Valkyrie ont couvert plus de 6 700 km en WEC cette saison, et 2770 km en IMSA ! Un peu moins de 10 000 km en conditions de course avant de s'attaquer pour la première fois aux 24 Heures du Mans.

Au cumulé, les deux Valkyrie ont couvert plus de 6 700 km en WEC cette saison, et 2770 km en IMSA ! Un peu moins de 10 000 km en conditions de course avant de s'attaquer pour la première fois aux 24 Heures du Mans.

On devrait retrouver les Aston Martin à l'arrière du peloton Hypercar, ces 24 Heures du Mans 2025 servant de premier grand test à une voiture qui semble venue d'une autre époque. Car sa ligne dérivée de la Valkyrie est vieille de 10 ans, et car la dernière victoire d'un bloc moteur V12 atmosphérique au Mans remonte à l'édition du siècle.

Photo: Nick Dungan - Michele Scudiero / Drew Gibson Photography pour Aston Martin Racing

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