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Porsche K8 Spyder, l'ultime délire des frères Kremer


On doit aux frères Erwin et Manfred Kremer de nombreuses variations de Porsche, qui ont contribué à écrire la légende de la marque allemande en endurance. La Porsche 935 (dite K3) victorieuse des 24 Heures du Mans en 1979 avec Klaus Ludwig et les frères Don et Bill Whittington est sans doute leur création la plus populaire. Une 935 violente, développée dans les moindres détails, qui allait coiffer l'usine. Ils sont aussi les géniteurs de la singulière Porsche 917 vue aux 24 Heures du Mans 1981 (oui, 1981), ou encore de la Porsche 962C K6.

Les frères Kremer et leur structure Kremer Racing se sont distingués partout en endurance. A Spa-Francorchamps en 1968, aux 24 Heures du Mans en 1979... et enfin aux 24 Heures de Daytona en 1995 ! C'est avec leur nouvelle K8 Spyder qu'ils ont décroché leur ultime grand succès international.

 C'est en 1994 que l'aventure commence avec l'arrivée de la WSC Gulf Porsche 962 Spyder, aussi baptisée simplement Kremer-Porsche dans le programme officiel .

Une voiture révolutionnaire pour l'époque, car préfigurant une nouvelle ère de prototypes. Une voiture ouverte, biplace, et rapide dès ses débuts. Deuxième sur la grille des 24 Heures du Mans 1994, la voiture menée par  Derek Bell, Robin Donovan et Jürgen Lässig décroche une belle 6e place finale.

La voiture porte ce nom complexe de WSC Gulf Porsche 962 Spyder car elle est pensée pour le règlement WSC, l'équipe est soutenue par le pétrolier Gulf, et il s'agit d'une Porsche 962 à laquelle le toit a été enlevé pour en faire un Spyder. Il s'agit alors de la seule voiture ouverte engagée en catégorie LMP1/C90 en Sarthe.

Pour 1995, les frères Kremer engagent cette fois la voiture sous le nom de Kremer K8. Convaincus du potentiel de l'auto pour l'endurance, ils se présentent aux 24 Heures de Daytona en février. Mais l'heure est aux changements de réglementation. Moins de 10 jours avant la course, les règles sont largement modifiées pour "pénaliser" les moteurs turbo, et favoriser les atmosphériques. Des changements tels que Porsche ne daigne pas se présenter, et laisse à Ferrari une victoire promise aux 333 SP. C'est pourtant le K8 qui va s'imposer, pour offrir à Porsche une 18e victoire en Floride. Kremer ne pouvait pas se permettre de manquer cette course, les voitures étaient déjà en route (en avion précisément) pour Daytona.

porsche-K8-Spyder-Daytona-1995

Un succès qui est resté dans la légende des 24 Heures de Daytona, car tout relève d'une histoire folle.

En effet, en 1995, les Ferrari 333 SP, pensées par la marque pour la compétition aux Etats-Unis, semblent être les armes redoutables. Il faut avouer qu' avec un prix de vente proche de 1 million de dollars l'unité, la 333 SP est une pièce d’horlogerie, loin de l'artisanale K8 Spyder des frères Kremer . Avec un capot avant revu, un cockpit revu pour limiter les turbulences, ou encore des prises d'air latérales optimisées, les 333 SP se présentaient à Daytona comme favorites avant l'heure...

Deux Kremer K8 sont alignées. Le châssis #07SP, vu aux 24 Heures du Mans 1994, et le châssis #WSC 01, futur vainqueur.

Tout commence bien mal avec une sortie de piste au troisième virage pour Lavaggi, qui impose un passage par les stands et un changement de capot avant. La K8 Spyder est déjà loin. Quatre Ferrari dominent le début de course. Mais les choses commencent à mal tourner après deux heures de course. Tout commence par des problèmes de phare sur une voiture, puis des sorties de piste sur une autre Italienne. Après le premier quart de course, le tiercé de tête est composé de Ferrari 333 SP, et les deux K8 Spyder engagées sont 8 et 9 tours ! Mais la nuit va changer la situation. Les 333 SP sont toutes victimes de la même maladie : elles calent au moment de repartir des stands, et ont bien du mal à revenir en piste. Les soucis moteur touchent les trois voitures alors aux avants-postes.  C'est à 5h du matin que la Kremer K8 prend le commandement. Giovanni Lavaggi, Jürgen Lässig, Marco Werner et Christophe Bouchut s'imposent, dans une course qui illustre parfaitement la fable du lièvre et de la tortue.  

Christophe Bouchut s'impose dès sa première participation aux 24 Heures de Daytona, exactement comme il l'a fait en 1993 aux 24 Heures du Mans avec Peugeot. Une performance remarquable car le pilote ne connaissait ni le circuit, ni l'équipe... et devait prendre sa place parmi trois pilotes qui se connaissaient déjà très bien. Christophe Bouchut réalisa une performance hors-norme dans la nuit, rivalisant avec les 333 SP pourtant supérieures sur le papier. "Je pense qu'en endurance, il est très bon d'attaquer la nuit. C'est le meilleur moment pour faire des écarts. Certains sont fatigués, d'autres moins à l'aise, et en faisant attention, on fait vite la différence" confiait t-il à Auto Hebdo après la course. Ses relais de nuit vont faire de lui le "leader" de l'équipe. Il parvient à couvrir 31 tours par heure, comme les Ferrari.

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Après les 24 Heures de Daytona, la K8 SPyder #WSC 01 sera engagée aux 12 Heures de Sebring et aux 24 Heures du Mans, sans succès. Deux autres châssis furent assemblés, #WSC 02 et #WSC 03, et participèrent aux 24 Heures du Mans de 1996 à 1998. A noter au palmarès des K8, une victoire aux 1 000 km de Monza 1997 (Thomas Bscher, John Nielsen).

La K8 reste une auto singulière, la dernière née des ateliers de Kremer à Cologne.

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Crédit photo : Mecum Auctions et Stéphane Cavoit pour Endurance Magazine

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